Vendredi 10 novembre 2023, 18h30, accueil à partir de 18h.

Auditorium de l’Atria (hôtel Mercure), 58 bd Carnot, Arras

Climat, biodiversité, énergie…

L’Union européenne est-elle à la hauteur des défis ?

L’édition des « Défis européens » organisée par le Mouvement Européen 62, est consacrée cette  année aux enjeux du Pacte Vert européen.

Fin 2019, l’Union européenne a mis sur la table le plus grand plan de transition écologique à l’échelle d’un continent : le Green Deal ou Pacte vert européen. Nous avons désormais une obligation inscrite dans la loi de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone à l’horizon 2050,  qui couvre, au-delà de l’enjeu climat, l’environnement, l’énergie, l’industrie ou encore la biodiversité.

Quatre ans après le lancement, l’Union européenne est-elle à la hauteur des défis ? Quels sont les enjeux en vue de l’élection du Parlement européen le 9 juin 2024 ?

Table-ronde animée par Véronique AUGER Présidente de l’Association des Journalistes Européens :

Pascal CANFIN député européen, Président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire,

Didier COUSIN Vice-président CCI Hauts de France, en charge de rev3,

Caroline FRANÇOIS-MARSAL Resp. Europe, Réseau Action Climat,

Thomas PELLERIN-CARLIN Directeur de Programme Europe, I4CE.

10 novembre 2023 18h30 à Arras

 

10 novembre 2023 18h30 à Arras

Les Défis Européens

Compte-rendu

Le public réunit 160 personnes.

La réunion est précédée d’un mot d’accueil de Marie Cavoit, Présidente du Mouvement Européen Pas-de-Calais (ME62), qui rappelle l’objectif fondamental du Pacte Vert qui est la neutralité carbone en 2050, et remercie intervenants et partenaires dans l’organisation de cet évènement.

 

Karine Boissou, adjointe au Maire d’Arras, en charge de la transition écologique accueille à son tour pour la Ville d’Arras en félicitant le ME62. Elle mentionne la mise en œuvre par la ville et la Communauté Urbaine d’Arras d’un Plan climat et d’un Agenda climatique.

 

Véronique Auger, Présidente de l’association des journalistes européens, est modératrice de cette réunion. Elle présente les intervenants à la table ronde et les invite à s’exprimer successivement en 10 mn.

 

Pascal Canfin, député européen, président de la commission environnement rappelle qu’il est originaire d’Arras et a passé 7 ans au lycée Gambetta, lieu de l’assassinat de Dominique Bernard.

 

Il est heureux de l’organisation de cette réunion publique, d’autant plus qu’elle coïncide avec plusieurs actualités sur le même thème

  • fin novembre aura lieu la COP 21 à Dubaï, pays figurant parmi les plus émetteurs de gaz à effet de serre par habitant.
  • le mois d’octobre 2023 a battu un record de chaleur.
  • Cette nuit même un accord est intervenu entre le Parlement européen et le Conseil européen sur un des textes constitutifs du Pacte Vert européen : celui sur la restauration de la nature.

Il présente ensuite le Pacte Vert : un ensemble de 75 lois européennes, dont une bonne partie sont d’ores et déjà adoptés (1). Quelques exemples :

  • La fin de la vente de voiture qui ne seront pas à 0% d’émission carbone, en 2035.

La région se prépare à cette échéance avec la construction d’usines de production de batteries

  • Restauration de la nature : il s’agit de passer d’une logique de préservation de site (principe des zones Natura 2000), à une restauration d’écosystèmes dégradés. 80% des espaces naturels en Europe sont dégradés, du fait de l’urbanisation ou de la pollution. (2)
  • L’Europe a vécu trop longtemps sur un logiciel économique libre-échangiste. Un changement s’opère avec le souci de retrouver une autonomie stratégique. l’autonomie énergétique est stratégique et renforce également notre indépendance géopolitique. Le monde idéalisé de l’ouverture du commerce mondial à 100% n’existe plus. La guerre en Ukraine a accentué la prise de conscience en montrant nos dépendances, particulièrement au gaz russe. La France a dépensé en 2022 100 milliards d’€ en achat d’énergie fossile. Se passer des énergies fossiles combine plusieurs effets vertueux : préservation du climat, réindustrialisassions, équilibre du commerce extérieur.

 

Caroline François-Marsal, responsable Europe au RAC (Réseau Action Climat) s salue la nouvelle orientation de l’UE concrétisée par la mise en œuvre du Pacte Vert, tout en soulignant que son contenu est très en deçà des recommandations scientifiques.

  • Il n’y a pas de financement sécurisé à long terme pour la mise en œuvre du Pacte Vert. Il manque 620 milliards d’€ par an. S’annoncent en outre de nouvelles contraintes à ces financements : la remise en œuvre du Pacte de stabilité qui limite les déficits budgétaires et taux d’endettement des pays de la zone euro ; la fin en 2026 de la mise en œuvre du fonds de relance institué après la crise du Covid, dont 30% étaient fléchés sur les politiques environnementales. (3)
  • Un fonds de souveraineté a été envisagé, mais remplacé par un dispositif (STEP) de 10 milliards par an, insuffisant.
  • La Politique agricole commune (PAC) s’appuie sur les Etats pour sa mise en œuvre à travers des plans Energie-Climat nationaux (la France est en retard dans son élaboration)
  • en France nous observons une baisse des capacités d’absorption des gaz à effet de serre, avec une baisse de 50 % des forêts en 10 ans

 

Thomas Pellerin-Carlin est directeur d’une structure de recherche (I4CE) intégrée à l’Institut Jacques Delors.

  • Il insiste sur les alertes nombreuses et anciennes ; dès le XIXeme siècle, données par des scientifiques sur l’évolution du climat et sur la procrastination systématique des dirigeants à agir : M Thatcher a convaincu la Président américain Ronald Reagan de créer le GIEC ». En 1992, au Sommet de Rio, Jacques Delors a proposé l’instauration d’une taxe carbone européenne. Le marché européen d’échange de quotas carbone sera créé en 2003.
  • 2023 sera l’année la plus chaude depuis 125 000 ans.
  • Actuellement nous en sommes à + 1.1 -1.2 ° par rapport à l’ère préindustrielle et nous en vivons les conséquences. Si toutes les mesures décidées par les Etats sont mises en œuvre, nous parviendrons, en toute probabilité, à stabiliser la hausse à +2.7 °

Notre système énergétique n’a pas été dé carboné, ce qui nous place dans des situations de dépendance des pays producteurs d’énergie. Une grande partie de notre industrie dépend du gaz russe. Les lobbies énergétiques sont puissants. La dépendance au gaz signifie : inflation, manque de compétitivité, désindustrialisation. Comment en sortir ?  Il y a à Bruxelles, plus de lobbyistes du gaz que de députés européens.

 

Didier Cousin est vice-Président de la chambre de commerce régionale en charge de REV6 et délégué territorial de GRDF. Il porte le point de vue d’un chef d’entreprise engagé, à travers la promotion du biogaz, la création d’Ecopol, le lancement, avec le concours de Jérémy Rifkin, de Rev3, plan d’action régional visant à diminuer la consommation de 50% d’ici 2050.

La région est un gros consommateur de gaz. Depuis 10 ans 700 à 800 installations de bio-méthane ont été créées.

La voie à suivre combine deux éléments : Efficacité et sobriété

Rev 3 cherche des solutions dans toutes les directions : électromobilité, gaz décarboné, hydrogène …

 

Véronique Auger ouvre la séance de questions dans la salle. Plusieurs sujets sont abordés :

 

L’eau : Thierry Spas, VP de la CUA en charge de l’environnement, pose la question de l’eau : les besoins croissant face aux sécheresses.

Thomas Pellerin-Carlin : La France se réchauffe plus vite que d’autres pays. Il existe un certain nombre d’organismes qui s’occupent de prévoir et d’organiser l’usage de la ressource : Agences de l’eau, ADEME, Plan national Energie-climat, organismes de recherche … malheureusement de 2014 à 2022 3000  postes y ont été supprimés. Il faut se réarmer, prendre les bonnes pratiques de nos voisins européens.

 

L’énergie : Laurent Delefie, astronome, apporte son expérience de scientifique en posant un constat :   depuis 1990, les besoins en énergie ont été multipliés par 2. Il est impossible de répondre à un éventuel nouveau doublement de ces besoins.

Thomas Pellerin-Carlin : Dans l’histoire de l’Humanité, les nouvelles sources d’énergies se sont ajoutées les unes aux autres. A partir de 2006, la consommation d’énergie a baissé en Europe. Pour aller plus loin, il faut activer trois leviers :

  • la sobriété (notamment dans les déplacements)
  • l’efficacité (notamment en isolant les bâtiments)
  • la production d’énergie renouvelable, combinée avec une part de nucléaire.

En résumé : une énergie dé carbonée, européenne et qui nourrit l’économie.

 

La santé : Le pacte Vert comporte-t-il des mesures concernant la santé publique ?

Pascal Canfin :

  • plusieurs directives prévues par le Pacte Vert concernent la santé : notamment la révision de la directive REACH qui porte sur la surveillance des produits chimiques. Malheureusement cette révision n’aura pas lieu, l’industrie chimique européenne étant trop contrainte par les questions énergétiques. D’autres textes sont adoptés, par exemple l’alignement sur les standards de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des normes de qualité de l’air, d’autres sujets progressent : les perturbateurs endocriniens, des polluants éternels.
  • Globalement la voie de la transition écologique se résume par : + d’investissement ; – de consommation. Il s’agit d’une adaptation importante de nos comportements et de nos modes de production. l’ADEME a démontré qu’il y a plus d’impacts positifs que négatifs à la transition écologique. il faut sortir du débat toxique opposant l’économie à l’environnement. On peut réussir la transition écologique sans réduire le Produit intérieur brut (PIB)

 

La forêt : Un témoin dénonce la mauvaise organisation de l’exploitation des forêts françaises et la concurrence entre le bois-énergie et le maintien d’une forêt à maintenir en tant que puis de carbone.

 

Les émissions de gaz à effet de serre importées. Une personne dans l’assistance aimerait avoir un commentaire sur la question des gaz à effets de serre importés des pays pauvres, c’est-à-dire de la comptabilisation dans nos émissions, de celles générées par nos importations.

 

Les jets privés: une personne de l’assistance dénonce les 400 jets privés américains prévus pour la COP27

 

L’heure avançant, Véronique Auger invite les intervenants à un propos conclusif.

 

Caroline François-Marsal insiste sur l’importance des enjeux environnementaux aux élections européennes de 2024 et de d’inciter à voter.

 

Didier Cousin : Comment agir ?  Tout le monde a envie de faire bouger les lignes. les réglementations sont des demandes des clients et consommateurs en matière de déchets, d’énergie, d’eau, d’économie de la fonctionnalité, de mobilité.

 

Tomas Pellerin-Carlin :

Que faire à titre individuel ?

  • Calculer son bilan carbone personnel
  • Voter aux élections européennes

Dans tous les secteurs industriels l’Europe n’est pas en situation de dépendance (A l’exception de la viande) Il faut assurer une croissance de la production industrielle pour plus d’autonomie stratégique européenne.

 

Pascal Canfin :

Les règles techniques qui régissent le fonctionnement de l’économie sont très largement européanisées. Il est normal que chacun défende son point de vue lorsque de nouvelles règles sont élaborées. C’est le rôle des lobbies. Mais deux conditions sont à respecter :

  • Il faut un équilibre entre les acteurs qui s’expriment, et que les arguments soient basés sur des faits. A ce sujet il serait souhaitable pour les PME de mieux se faire entendre.
  • Il faut une transparence

Exemples de succès face aux lobbies :

  • la mise en œuvre contre leur gré de la fin des plastiques à usage unique par les chaines de restauration rapide.
  • les téléphones portables vont devenir recyclables, notamment leurs batteries.

 

Marie Cavoit clot la réunion en remerciant les intervenants et  le public. Elle annonce les prochaines activités du ME62.

  • le 25 janvier aura lieu un voyage à Bruxelles de visite du Parlement européen.
  • le 16 avril aura lieu un débat entre représentants de listes candidates aux élections européennes
  • le 1er mai, le ME62 aura son stand habituel au Salon du livre d’Arras.

 

1 – Le Pacte vert pour l’Europe : Le Parlement a adopté la loi européenne sur le climat le 24 juin 2021. Celle-ci rend juridiquement contraignant l’objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici à 2030 et celui de neutralité climatiqued’ici à 2050.

 Le paquet ‘Fit for 55’ (Ajustement à l’objectif 55) Pour que l’UE atteigne l’objectif de du Pacte vert en 2030, la Commission a proposé en 2021 un ensemble de mesures législatives nouvelles et révisées appelé « Fit for 55« . Cet ensemble comprend 13 lois révisées interdépendantes et 6 propositions de lois sur le climat et l’énergie.

 Ces textes ont pour objectifs de :

  • Réduire les émissions de l’industrie, des transports et d’autres secteurs
  • Stimuler l’économie circulaire
  • Créer un système alimentaire durable
  • Préserver la biodiversité
  • Financer la transition écologique

 2- Le texte sur la restauration de la nature transcrit dans le droit communautaire l’accord de Montréal sur la biodiversité et la nécessité de restaurer 30% des surfaces terrestres et marines dégradées d’ici 2030, puis 60% d’ici 2040 et 90% d’ici 2050.

 3- Un tiers des 2 018 milliards d’eurosd’investissements du plan de relance « NextGenerationEU » et du budget pluriannuel  de l’Union européenne seront dédiés au financement du Pacte Vert pour l’Europe.

 

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